Pour la première fois dans le monde arabe : une Conférence de commémoration de l'Holocauste (Maroc)
31/10/11
Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Fin septembre 2011, l'université marocaine Al-Akhawayn (UA), basée à Ifrane dans la région du Moyen Atlas, a ouvert un colloque de trois jours commémorant la Shoah. (1) L'événement, intitulé "Mohammed V, Juste des Nations", (2) était consacré à la mémoire de l'Holocauste et à honorer le défunt roi Mohammed V, qui aurait refusé de remettre la population juive du Maroc aux mains du régime français de Vichy lors de l'occupation du Maroc.
Le colloque incluait des conférences sur le défunt monarque et sur la communauté juive marocaine, des séances consacrées à des témoignages de survivants de l'Holocauste originaires d'Europe, ainsi qu'une visite du musée juif marocain de Casablanca en compagnie de Zhor Rhihel, la conservatrice musulmane du musée. Le célèbre chanteur Maxime Kartouchi a chanté des airs de musique juive marocaine, et des repas cachers ont été servis.
Le Club Mimouna - une organisation étudiante à l'origine de la Conférence
La conférence a été organisée par l'université Mimouna Club, une organisation étudiante créée en 2007 dans le but faire connaître au plus grand nombre le patrimoine juif marocain. Le club vise à sensibiliser le public marocain, notamment les jeunes, à la diversité de la culture marocaine, en plaçant l'accent sur la communauté juive marocaine comme modèle de coexistence entre Juifs et musulmans dans le monde arabe. Le club a déjà organisé plusieurs événements sur le patrimoine juif marocain, avec la participation d'Israéliens, et propose également des cours d'hébreu.
Le fondateur et président du Club Mimouna, Elmehdi Boudra (24 ans), est étudiant en sciences politiques. Lui-même musulman, Boudra s'intéresse de près à la culture juive marocaine, et est un ardent défenseur du dialogue interculturel. (3) Son intérêt pour les Juifs et les relations judéo-musulmanes lui vient de son histoire familiale: les expériences de sa grand-mère qui a grandi dans le quartier juif de Casablanca, les rapports de son grand-père avec ses voisins juifs, (4) ont suscité une curiosité pour le judaïsme. Pour en savoir plus, il a étudié avec Simon Levy, l'un des directeurs du Musée du judaïsme marocain de Casablanca, et s'est informé sur l'Holocauste par de nombreuses lectures. (5) Ghassan Essalehi (23 ans) (6) un musulman de Rabat, a co-fondé le Club Mimouna avec Boudra. Titulaire d'une licence d'études internationales et de communication, il termine actuellement une maîtrise en diplomatie (7).
Intervenants de la conférence
Parmi les participants à la conférence se trouvaient des historiens spécialistes de la période de l'Holocauste, des rescapés du génocide juif (dont Elisabeth Citron, rescapée d'Auschwitz d'origine hongroise) (8), les dirigeants de la communauté juive du Maroc, ainsi que des étudiants juifs et musulmans du Maroc et des Etats-Unis.
André Azoulay, intellectuel juif marocain et conseiller du roi, a déclaré, lors de son intervention, que quand l'Europe s'était trouvée sous la coupe de la barbarie nazie, le Maroc avait apporté une lueur d'espoir: "En s'élevant contre les lois racistes de Vichy, le roi Mohammed V a fourni à chacun de nous la possibilité de brandir les valeurs de courage, la liberté, d'humanisme et de modernité que plusieurs d'entre nous cherchent à établir dans la société marocaine." (9)
Il a également noté que dans la nouvelle constitution marocaine, le roi actuel, Mohammed VI, a inclus une longue introduction insistant sur la richesse et la diversité des éléments spirituels et culturels qui composent la société contemporaine marocaine. S'adressant aux organisateurs de la conférence, il a dit: "Vous, étudiants musulmans, avez décidé de vous identifier à notre libération. Ce n'est pas quelque chose d'habituel." (10)
Serge Berdugo, ambassadeur itinérant du Roi du Maroc et secrétaire général de la communauté juive dans le pays, a déclaré que grâce à la protection de Mohammad V, aucun Juif marocain n'avait été arrêté ou envoyé dans les camps de concentration. Il a précisé que le roi avait manifesté son respect pour ses sujets juifs en invitant tous les dignitaires juifs à la Fête du Trône de 1941, et les avait placés à côté des officiers français et allemands. Berdugo a également relaté une histoire racontée au sujet du roi: quand le français général Noguès annonça que 200 000 étoiles jaunes avaient été préparées pour les Juifs du Maroc, le roi aurait répondu qu'il lui en faudrait 50 de plus - pour lui-même et sa famille. Selon Berdugo, le roi aurait dit à la presse à l'époque: "Je n'approuve pas du tout ces nouvelles lois contre les Juifs et je refuse d'être associé à toute mesure contre eux. Comme par le passé, les Israélites restent sous ma protection et je refuse de faire des distinctions entre mes sujets" (11).
Le Roi Mohammed VI s'oppose au négationnisme
Cette conférence, la première dans un pays arabe à commémorer l'Holocauste, a bénéficié d'un bon écho dans les médias marocains et étrangers. Elle entre dans le cadre de la politique du roi du Maroc, qui s'est élevé contre le négationnisme. Dans un discours de 2009, le Roi Mohammed VI a déclaré: "L'amnésie n'a aucune incidence sur la compréhension que j'ai de l'Holocauste, ou sur celle de mon peuple... Ensemble nous devons nous efforcer de réaffirmer la raison et les valeurs qui fondent la légitimité d'un espace de coexistence où les mots de dignité, de justice et de liberté s'exprimeront de la même manière et coexisteront avec les mêmes exigences, indépendamment de nos origines, cultures, ou de notre spiritualité. C'est notre interprétation marocaine du devoir de mémoire dicté par la Shoah." (12)
31/10/11
Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Fin septembre 2011, l'université marocaine Al-Akhawayn (UA), basée à Ifrane dans la région du Moyen Atlas, a ouvert un colloque de trois jours commémorant la Shoah. (1) L'événement, intitulé "Mohammed V, Juste des Nations", (2) était consacré à la mémoire de l'Holocauste et à honorer le défunt roi Mohammed V, qui aurait refusé de remettre la population juive du Maroc aux mains du régime français de Vichy lors de l'occupation du Maroc.
Le colloque incluait des conférences sur le défunt monarque et sur la communauté juive marocaine, des séances consacrées à des témoignages de survivants de l'Holocauste originaires d'Europe, ainsi qu'une visite du musée juif marocain de Casablanca en compagnie de Zhor Rhihel, la conservatrice musulmane du musée. Le célèbre chanteur Maxime Kartouchi a chanté des airs de musique juive marocaine, et des repas cachers ont été servis.
Le Club Mimouna - une organisation étudiante à l'origine de la Conférence
La conférence a été organisée par l'université Mimouna Club, une organisation étudiante créée en 2007 dans le but faire connaître au plus grand nombre le patrimoine juif marocain. Le club vise à sensibiliser le public marocain, notamment les jeunes, à la diversité de la culture marocaine, en plaçant l'accent sur la communauté juive marocaine comme modèle de coexistence entre Juifs et musulmans dans le monde arabe. Le club a déjà organisé plusieurs événements sur le patrimoine juif marocain, avec la participation d'Israéliens, et propose également des cours d'hébreu.
Le fondateur et président du Club Mimouna, Elmehdi Boudra (24 ans), est étudiant en sciences politiques. Lui-même musulman, Boudra s'intéresse de près à la culture juive marocaine, et est un ardent défenseur du dialogue interculturel. (3) Son intérêt pour les Juifs et les relations judéo-musulmanes lui vient de son histoire familiale: les expériences de sa grand-mère qui a grandi dans le quartier juif de Casablanca, les rapports de son grand-père avec ses voisins juifs, (4) ont suscité une curiosité pour le judaïsme. Pour en savoir plus, il a étudié avec Simon Levy, l'un des directeurs du Musée du judaïsme marocain de Casablanca, et s'est informé sur l'Holocauste par de nombreuses lectures. (5) Ghassan Essalehi (23 ans) (6) un musulman de Rabat, a co-fondé le Club Mimouna avec Boudra. Titulaire d'une licence d'études internationales et de communication, il termine actuellement une maîtrise en diplomatie (7).
Intervenants de la conférence
Parmi les participants à la conférence se trouvaient des historiens spécialistes de la période de l'Holocauste, des rescapés du génocide juif (dont Elisabeth Citron, rescapée d'Auschwitz d'origine hongroise) (8), les dirigeants de la communauté juive du Maroc, ainsi que des étudiants juifs et musulmans du Maroc et des Etats-Unis.
André Azoulay, intellectuel juif marocain et conseiller du roi, a déclaré, lors de son intervention, que quand l'Europe s'était trouvée sous la coupe de la barbarie nazie, le Maroc avait apporté une lueur d'espoir: "En s'élevant contre les lois racistes de Vichy, le roi Mohammed V a fourni à chacun de nous la possibilité de brandir les valeurs de courage, la liberté, d'humanisme et de modernité que plusieurs d'entre nous cherchent à établir dans la société marocaine." (9)
Il a également noté que dans la nouvelle constitution marocaine, le roi actuel, Mohammed VI, a inclus une longue introduction insistant sur la richesse et la diversité des éléments spirituels et culturels qui composent la société contemporaine marocaine. S'adressant aux organisateurs de la conférence, il a dit: "Vous, étudiants musulmans, avez décidé de vous identifier à notre libération. Ce n'est pas quelque chose d'habituel." (10)
Serge Berdugo, ambassadeur itinérant du Roi du Maroc et secrétaire général de la communauté juive dans le pays, a déclaré que grâce à la protection de Mohammad V, aucun Juif marocain n'avait été arrêté ou envoyé dans les camps de concentration. Il a précisé que le roi avait manifesté son respect pour ses sujets juifs en invitant tous les dignitaires juifs à la Fête du Trône de 1941, et les avait placés à côté des officiers français et allemands. Berdugo a également relaté une histoire racontée au sujet du roi: quand le français général Noguès annonça que 200 000 étoiles jaunes avaient été préparées pour les Juifs du Maroc, le roi aurait répondu qu'il lui en faudrait 50 de plus - pour lui-même et sa famille. Selon Berdugo, le roi aurait dit à la presse à l'époque: "Je n'approuve pas du tout ces nouvelles lois contre les Juifs et je refuse d'être associé à toute mesure contre eux. Comme par le passé, les Israélites restent sous ma protection et je refuse de faire des distinctions entre mes sujets" (11).
Le Roi Mohammed VI s'oppose au négationnisme
Cette conférence, la première dans un pays arabe à commémorer l'Holocauste, a bénéficié d'un bon écho dans les médias marocains et étrangers. Elle entre dans le cadre de la politique du roi du Maroc, qui s'est élevé contre le négationnisme. Dans un discours de 2009, le Roi Mohammed VI a déclaré: "L'amnésie n'a aucune incidence sur la compréhension que j'ai de l'Holocauste, ou sur celle de mon peuple... Ensemble nous devons nous efforcer de réaffirmer la raison et les valeurs qui fondent la légitimité d'un espace de coexistence où les mots de dignité, de justice et de liberté s'exprimeront de la même manière et coexisteront avec les mêmes exigences, indépendamment de nos origines, cultures, ou de notre spiritualité. C'est notre interprétation marocaine du devoir de mémoire dicté par la Shoah." (12)