- Que
pensez-vous des discussions et débats qui ont suivi la destruction du mémorial
?
Il est
heureux que l’affaire ait suscité tant de controverses, car elle n’est pas
anodine. On doit cette effervescence à des militants lucides, motivés et
instruits par le travail équivoque de certaines organisations soi-disant
humanitaires ou apolitiques. Ces débats ont remis sur le tapis la question de
la position du Maroc par rapport à Israël, au monde arabe et à l’impérialisme
idéologique occidental. Pour des raisons diverses, certaines remontant à
l’indépendance et d’autres pour des gains diplomatiques, le régime marocain a
adopté des positions pour le moins controversées, dans le sens où elles ne se
conforment plus à l’identité arabe et musulmane du pays ni aux aspirations de
solidarité de la population avec le peuple palestinien.
- Selon
vous, quel est le but derrière la construction du mémorial, et est-ce qu'il
avait réellement des fins politiques ?
Le lobby
sioniste ne fait jamais ce genre de choses sans arrière-pensées. Vous me direz
c’est une ONG allemande. Le lobby avance masqué et utilise des prête-noms
inoffensifs. Sur le plan historique, la décision a été prise de faire de
l’holocauste, à partir des années 70, une histoire universelle pour contrer l’image
désastreuse d’un Israël conquérant. L’holocauste permet aussi de faire
l’ « antisémitisme » soi-disant renaissant un instrument de
dissuasion de toute critique contre l’occupation et la colonisation sionistes.
La construction de mémoriaux à travers le monde, même dans des pays qui n’ont
rien à y voir (dernier en date le Brésil), participe de cette offensive.
- Est-ce
normal qu'un tel projet soit construit au Maroc, surtout que les Marocains ne
se sentent pas concernés, en grande partie, par la tragédie qui s'est passée en
Europe?
Le Maroc est
malheureusement devenu le terrain de jeu favori d’Israël au sein de monde
arabe. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Le régime sioniste a ainsi acquis une
certaine légitimité, quasiment une reconnaissance et des alliances à peine
secrètes, avec d’autres pays arabes, grâce à l’entremise marocaine, et ce alors
que son emprise coloniale sur ce qui reste de la Palestine ne laisse aucune
chance à une solution pacifique. Certaines personnalités judéo-sionistes
« marocaines » proches du pouvoir veulent obliger les Marocains à se
sentir concernés par un crime historique européen au détriment d’autres formes
de solidarités arabes et africaines. Ces personnalités bien connues que j’estime
être des collaborateurs du Mossad ont lancé en 2012 le Projet Aladin pour faire
de l’holocauste européen une affaire nationale marocaine. C’est fallacieux et
indécent. Ces pratiques ne servent que les intérêts de l’ennemi implacable de
la nation arabe.
- Qu’elle
aurait été selon vous, la valeur ajoutée de la construction d'un tel mémorial
pour les Marocains ?
La
construction d’un tel mémorial, qui aurait plus tard été embelli et agrandi (le
lobby sioniste a des moyens financiers illimités) aurait pu devenir un lieu de
pèlerinage et potentiellement touristique. Certains intérêts auraient pu se
frotter les mains d’une telle aubaine. Mais en dehors de ce point particulier
qui aurait pu créer quelques dizaines d’emplois, je ne vois rien de positif. On
aurait vécu dans une communauté internationale apaisée où la justice entre les
peuples régnerait, passe encore. Mais dans la conjoncture actuelle de la
domination outrancière de l’alliance américano-sioniste (que de pays arabes
détruits, soumis et humiliés) un tel mémorial aurait été une blessure, une
marque d’infamie, infligée à notre pays.