dimanche 13 décembre 2020

Normalisations israélo-arabes contre l'Iran

 

Les « normalisations » entre le régime sioniste et les monarchies du Golfe sont surtout dirigées contre la République Islamique d’Iran.

 

On voudrait nous faire croire que les « normalisations » des relations entre les monarchies arabes, car il faudrait y inclure le Maroc, avec le régime sioniste, vont ouvrir une période de paix et de prospérité dans la région. Or rien n’est plus faux. Car le cœur du problème, la source de toutes les tensions depuis un siècle, réside dans la création d’un régime fondé sur l’apartheid avec le peuple d’origine, la dépossession de celui-ci de sa terre et son expulsion, la politique expansionniste d’un pays qui n’a jamais tracé  ses frontières, la recherche d’une « pax israelana » fondée sur la supériorité militaire et l’agression permanente.

Or pourquoi tout le monde arabe s’était élevé en 1948 contre l’établissement de ce régime sur la terre de Palestine ? Parce que l’effacement de celle-ci constituait un casus belli qui ne pouvait s’éteindre qu’avec le rétablissement d’un État de Palestine et une solution juste du problème des réfugiés palestiniens chassés par l’ennemi sioniste en 1948.

La Ligue Arabe n’avait jamais dérogé à cette règle, allant jusqu’à exclure l’Egypte en 1979 après la signature d’une paix séparée avec le régime sioniste laissant de côté le problème palestinien.

Les temps ont bien changé. Alors que ce qui reste de la Palestine vit sous une occupation brutale et une expansion constante des colonies sionistes, rendant impossible toute solution juste et durable, 3 pays arabes ont signé un traite de normalisation avec le régime sioniste, en attendant que d’autres suivent, notamment le Maroc et l’Arabie Saoudite, se contentant de quelques paroles creuses en faveur d’une reprise des négociations israélo-palestiniennes.

Des négociations qui n’aboutiront à rien de concret. Le régime sioniste fait trainer ces négociations depuis 1993, depuis la signature des accords d’Oslo, pour étendre sa mainmise sur la Palestine. Rappelons que le nombre des colons sionistes a été multiplié par 450% depuis 1993. Le régime sioniste n’a jamais recherché une paix juste et équilibrée permettant l’existence d’un État palestinien indépendant. Toute « paix » à ses yeux était une affirmation de sa puissance et la conservation des conquêtes militaires faites depuis sa création. Il avait d’ailleurs rejeté avec mépris une proposition de paix totale offerte par la Ligue Arabe en 2002 en échange de l’application des résolutions internationales.

Hormis la Syrie, le Liban avec le Hezbollah, et l’Algérie, les autres États arabes restent dans un attentisme prudent et craintif. Ils voudraient bien sauter le pas de la normalisation qui leur apporterait des bénéfices économiques, mais ils craignent la colère de leurs peuples. C’est le cas par exemple du Maroc qui collabore avec le régime sioniste depuis des décennies mais dans une semi-clandestinité.

Une réaction intéressante et courageuse est venue des Arabes israéliens, qui fréquentent assez les sionistes pour en connaître leurs arrière-pensées. Les 15 députés arabes sur les 120 que compte le parlement sioniste ont été les seuls à s’opposer à ces accords de normalisation. Ils ont déclaré : 

« Bien que soucieux de renforcer nos relations avec les peuples arabes, aussi bien au Machrek que dans le grand Maghreb, nous sommes politiquement opposés à l’accord d’Abraham proposé par le président américain, Donald Trump ». « Cet accord est un projet hostile aux droits du peuple palestinien et à son droit à établir un État indépendant dans les limites des frontières de 1967 avec Jérusalem pour capitale, ainsi qu’au droit au retour des réfugiés, conformément au droit international et aux résolutions de l’ONU, soutenus par l’Organisation de libération de la Palestine qui préconisent le retrait des colons et la fin de l’occupation israélienne ».

Les députés arabes ont confirmé leur soutien « permanent et éternel pour la paix juste qui se traduit par une paix globale basée essentiellement sur la fin de l’occupation israélienne et la fondation d’un Etat palestinien indépendant comme préconisé par l’initiative de paix arabe, qui a appelé auparavant à une normalisation avec tous les pays arabes, en échange du retrait total des territoires occupés depuis 1967.

Et d’ajouter que « Netanyahu s'est vanté ces dernières semaines d'avoir signé des accords de paix et de normalisation avec les pays arabes sans se retirer de la moindre parcelle des territoires palestiniens sous le faux slogan (la paix pour la paix). Netanyahu est à la tête d'un gouvernement désastreux, expansionniste et extrémiste qui intensifie les pratiques abusives de colonisation et d'occupation contre notre peuple palestinien ».

De fait, le régime sioniste a tout obtenu sans faire la moindre concession, soit vers la création d’un État palestinien, soit vers la restitution du Golan syrien conquis en 1967 et juridiquement annexé en 1981, en violation de toutes les lois internationales.

On se rappelle que les monarchies du Golfe avaient justifié les « normalisations » pour éviter l’annexion par le régime sioniste des colonies juives de la Cisjordanie occupée. Or ces monarchies viennent d’annoncer qu’elles ne feraient pas la différence entre les produits venant d’ « Israël » et ceux venant des colonies. C’est une reconnaissance de fait de leur rattachement à un même et unique État.

Pour les Palestiniens de Ramallah, qui continuent de croire à une solution négociée basée sur le droit international, le coup est rude. « C’est une trahison et un coup de poignard dans le dos du peuple palestinien ». Mais enfin, cela fait presque 30 ans qu’ils se font manipuler par l’occupant sioniste. Rappelons que depuis les accords d’Oslo, le nombre des colons sionistes en Cisjordanie occupée est passé de 150 000 à près de 800 000. L’Autorité palestinienne y a sa part de responsabilité, très grande même. En acceptant de collaborer avec l’occupant, militairement, économiquement, politiquement, elle lui a offert une légitimité internationale sans obtenir en retour que des concessions symboliques. Elle était devenue une énorme machine bureaucratique vivant grassement des aides européennes sur le dos de son propre peuple qui souffre au quotidien de l’occupation sioniste. N’oublions pas que cette « Autorité » avait refusé en 2006 la sanction des élections libres et démocratiques qui avaient accordé la majorité au Hamas. Ses forces de « sécurité » s’acharnent à pourchasser, avec l’aide des services secrets sionistes, tous les vrais résistants à l’occupant : les militants du Hamas, du Jihad islamique et du FPLP. Sa légitimité auprès du peuple est très très faible. Et en restant ancrée sur des positions, juridiquement justifiées mais politiquement irréalistes, ignorant que les monarchies du Golfe tissaient déjà des liens plus ou moins secrets avec l’entité sioniste, l’Autorité de Ramallah s’est retrouvée totalement démunie, sans appuis autres que les encouragements diplomatiques de quelques chancelleries européennes.

L’issue ultime et prévisible de cette évolution sera la mise en œuvre, à plus ou moins brève échéance et en y mettant les formes, du plan Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Ou ce qu’on a appelé le « deal du siècle ». En clair, reconnaître définitivement le rattachement des colonies juives à la patrie sioniste. L’attribution de la Vallée du Jourdain à la puissance sioniste pour assurer la sécurité de cette dernière, ainsi que le contrôle de l’espace aérien et des ressources hydrauliques palestiniens. En somme, l’État dont rêvaient les Palestiniens de Ramallah se réduirait à une espèce de « Bantoustan », tel que le régime sud-africain de l’apartheid voulait accorder aux Noirs pour s’en débarrasser.

Est-ce que l’Autorité palestinienne a les moyens politiques, économiques et militaires pour s’y opposer ? Nous pouvons en douter. Parce que le plan Trump avait prévu de couper les aides et les soutiens arabes dont bénéficiait de manière quasi automatique l’Autorité. Cette manne financière était un acquis qui semblait gravé dans le marbre. La défense de la cause palestinienne demeurait un tabou, en particulier le fait de signer une paix séparée avec l’ennemi sioniste. Et pourtant, cela s’est fait presque sans remous, pour le moment en tout cas.

Qu’est-ce qui a pu pousser les monarchies du Golfe dans cette voie ? Elles dépendent tellement de l’Amérique pour leur « sécurité » qu’elles ne pouvaient résister à une forte pression. D’autant qu’elles avaient vu les exemples des États arabes qui avaient tenté de sauvegarder leur indépendance et qui avaient fini comme on sait : l’Irak, la Libye, la Syrie. Et même leurs fortunes amassées depuis des décennies étaient à la merci d’une confiscation à l’américaine. Et enfin il y avait l’argument massue qui avait fait trembler ces monarchies sans légitimité nationale et incapables de se défendre. La « menace » que l’axe américano-sioniste n’avait cessé d’agiter et qui viendrait d’un Iran hégémonique. Si ces monarchies n’obéissaient pas, on les laisserait toutes seules face à un ennemi redoutable qui n’en ferait qu’une bouchée.

Rappelons tout de même que la République islamique d’Iran n’avait jamais depuis sa création initié un conflit dans la région, ni proclamé des revendications territoriales au détriment des pays voisins. L’ambassadeur de Russie en Israël, Anatoli Viktorov, a déclaré cette semaine : « Le plus grand problème au Moyen-Orient n’est pas l’Iran mais Israël. Le vrai problème réside dans le non-respect par Israël des résolutions de l’ONU sur le conflit israélo-palestinien et le conflit israélo-arabe. C’est Israël qui attaque le Hezbollah et non l’inverse. »

Par contre, le pays avec lequel ces monarchies viennent de signer des traités de « paix » ne vit que par la guerre, la domination, la conquête. Al-Quds, le Golan syrien et d’autres territoires palestiniens vivent sous la botte de l’occupant sioniste depuis des décennies. Ce régime viole allègrement le droit international et ne connaît que la loi du plus fort. Il va transformer ces monarchies en protectorats, en États obligés de se soumettre sous peine d’être balayés. Elles ont introduit le loup sioniste dans leur bergerie et le paieront très cher.

Mais au-delà des clichés sur les échanges économiques ou touristiques, ce qui se profile c’est une coopération militaire entre les monarchies du Golfe et leur nouveau protecteur sioniste. Elles ont déjà exprimé leur volonté d’acquérir la haute technologie militaire israélienne, notamment le système de défense antimissile Dôme de Fer.

Ce rapprochement militaire leur ouvre enfin la possibilité d’acquérir les fameux avions américains, les F-35. On parle déjà d’une cinquantaine de ces avions pour des milliards de dollars. Ces avions n’auraient jamais pu être achetés par un État arabe sans l’aval du régime sioniste. Il était toujours entendu que l’Amérique, au niveau des armements sophistiqués, devait maintenir un niveau de supériorité significatif au profit de l’armée sioniste.

Or le régime sioniste n’a fait aucune difficulté pour avaliser la vente des F-35 aux monarchies du Golfe, procédure qu’il aurait pu bloquer lorsqu’on connaît la puissance de l’AIPAC, le tout-puissant lobby sioniste, auprès du Congrès américain. On peut aussi se demander contre quel ennemi ces deux petites monarchies vont utiliser cet arsenal aérien digne d’une grande puissance. Il devient évident que cette armada sera orientée principalement contre la République Islamique d’Iran, érigée en ennemi commun du régime sioniste et des monarchies du Golfe.

L’ambassadeur sioniste à Washington a confirmé cette vision le 8 décembre : « Israël est très à l’aise avec la proposition de Washington de conclure un accord d’armement de 23 milliards de dollars avec les Émirats Arabes Unis. Cet accord ne violera pas l’engagement américain visant à maintenir l’avantage militaire qualitatif d’Israël. Les EAU sont un allié pour affronter l’Iran. Je suis plus préoccupé par le projet du président désigné Joe Biden de réintégrer l’accord nucléaire iranien. »

Un renversement stratégique, inimaginable encore il y a un an ou deux, est en train de prendre forme. Certes, des théoriciens avaient conjecturé cette nouvelle donne, mais de là à la voir se réaliser concrètement, allant même jusqu’à une alliance militaire et stratégique, et pourquoi pas une agression prochaine tripartite : américano-arabo-sioniste, contre le nouvel ennemi commun iranien, cela relevait de l’inconcevable. Non seulement les monarchies du Golfe ont fait sauter les tabous historiques, mais elles semblent vouloir rattraper le temps perdu. Elles foncent vers la collaboration dans tous les domaines, culturel, touristique, commercial. Rien ne les arrête. Chaque jour on découvre de nouveaux champs de collaboration avec le régime sioniste.

Cette nouvelle alliance, inédite et artificielle, entre un régime juif messianique conquérant et dominateur et des régimes monarchiques archaïques musulmans à la recherche d’une stabilité factice au prix de reniements historiques, a-t-elle des chances de durer ? Résistera-t-elle à une aventure militaire dans laquelle les monarchies seront fatalement entrainées ? Comment réagiront les peuples arabes, obligés aujourd’hui de ravaler leurs frustrations, lorsqu’ils verront à l’œuvre l’impérialisme sioniste, arrogant et conquérant ? Accepteront-ils de voir l’étranglement du peuple palestinien ? Ne rêveront-ils pas d’un sursaut nationaliste, à l’image de la République Islamique d’Iran, qui a choisi librement sa voie dans l’indépendance et la dignité ?

L’Histoire est pleine de rebondissements. Elle ne s’arrête pas dans un « happy end » comme dans les films hollywoodiens, et comme la rêverait le régime sioniste dans une domination perpétuelle et sans heurts. Les peuples opprimés se réveilleront un jour ou l’autre, et gare à leurs oppresseurs nationaux et à leurs alliés étrangers.

Jacob Cohen

Éuteur franco-marocain

12 décembre 2020

 

 

mardi 10 novembre 2020

ISLAMOPHOBIE FRANÇAISE : UNE AFFAIRE DE LOBBY

 

ISLAMOPHOBIE FRANÇAISE : UNE AFFAIRE DE LOBBY

On parle de l’islamophobie en France comme d’un dysfonctionnement regrettable que les bonnes volontés ne manqueront pas de corriger dans une société dont la devise historique, éculée et rabâchée,  serait : Liberté Egalité Fraternité.

Ceux qui en sont victimes aujourd’hui perpétuent d’ailleurs ce mythe en se battant sur le terrain choisi par l’oppresseur et avec les règles établies par ce dernier.

Ancien pays colonial, avec les tares habituelles du conquérant sur des indigènes musulmans vaincus, la France a appliqué allègrement les discriminations accompagnées d’humiliations, d’expropriations et d’exactions. Mais on pouvait penser qu’avec le temps, et les indépendances acquises, la coexistence sur le sol français allait se faire progressivement sur la base des valeurs de l’incontournable devise républicaine. La jeunesse musulmane avait d’ailleurs manifesté en 1983, en masse et pacifiquement, pour exprimer sa volonté d’intégration et de fidélité à la France.

C’était bien parti, mais cela ne faisait pas l’affaire du Lobby. Ce dernier, composé de sayanim bien placés, et sur instructions probables du Mossad qui les emploie, a entamé ce que l’on pourrait appeler la stratégie sioniste vis-à-vis de la communauté musulmane qui prenait de l’importance : L’empêcher d’acquérir visibilité et légitimité, lui fermer les postes dans les secteurs sensibles, développer à son égard méfiance et hostilité. Cela rappelle la politique de « containment » pratiquée par l’Occident contre le bloc soviétique. La hantise du Lobby, et du régime sioniste derrière lui, était de voir la France, sous une influence musulmane grandissante, se détourner peu à peu d’Israël et renforcer sa politique arabe et tiers-mondiste. Cela aurait également porté un coup fatal à la puissance du Lobby et aux dividendes (politiques financières médiatiques) que celui-ci tire de sa position centrale, notamment avec l’exploitation du prétendu antisémitisme qui justifie toutes ses prétentions et accorde un chèque en blanc au régime sioniste, protégé désormais de toute critique.

Le Lobby va donc détourner ces revendications légitimes de la jeunesse maghrébine en les enfermant dans une association entièrement à sa dévotion. Ce fut la création de SOS Racisme par des judéo-sionistes sous la houlette de Bernard-Henri Lévy. Cette association « antiraciste » est chapeautée et contrôlée par l’Union des étudiants juifs de France. On ne fait pas plus sioniste. SOS Racisme en est la filiale dévouée et partage tous ses combats. Grâce à l’appui du Lobby, SOS Racisme reçoit des centaines de milliers d’euros chaque année et dispose d’une légitimité médiatique incontestée.

Le « containment » des musulmans consiste par ailleurs à les déstabiliser, à leur faire admettre qu’ils sont tolérés dans une société « judéo-chrétienne » (construction récente et historiquement infondée) dont ils doivent intégrer les « valeurs », et qu’ils restent sous surveillance de la bien-pensance républicaine généralement assumée par des représentants du Lobby bien connus. Le premier Ministre de la France peut dire : « Le voile doit être porté avec discrétion, alors qu’on peut être fier de porter la kippa ». Un journaliste peut balancer à la télévision : « Ce sont les musulmans qui amènent la merde en France ». BHL, fier de son identité juive, exige une modernisation du saint Coran. Madame Badinter, propriétaire de Publicis, un nid de sayanim, revendique son droit de détester l’islam. Les musulmans auraient la décence de se faire humilier par des « caricatures » au nom de la liberté d’expression, mais sans broncher. Le Lobby leur impose un « imam » débile et inculte supposé les représenter dans les médias, et protégé par la police nationale.  Régulièrement les médias nous offrent des débats sur l’islam et les musulmans menés par Zemmour, Lévy, Goldnadel, Askolovitch, Badinter (vous voulez un dessin ?) alors que des milliers de grands intellectuels maghrébins sont tenus à l’écart. Il est vrai que le Lobby agrée quelques mahométans en fonction de leur trahison à leur communauté.

Je vous offre l’ultime provocation faite par le magazine Causeur d’Elisabeth Lévy de cette semaine. Il n’appelle pas moins à l’apostasie des musulmans pour les acculturer aux sociétés ouvertes. « Cette démarche supposerait l’engagement de militants érudits, d’artistes passionnés, de rhéteurs motivés au service de l’ambition suivante : en appeler à la sensibilité de leurs semblables de confession musulmane pour les persuader d’adhérer à des croyances plus paisibles. »

La stratégie agressive et raciste du Lobby – menée moins pour des raisons historiques ou ethniques que pour servir l’intérêt supérieur du régime sioniste – et qui trouve un certain écho au sein d’une droite nationale nostalgique plutôt complaisante, ne paraît pas rencontrer une résistance déterminée, lucide, organisée et courageuse.

Tout d’abord les Maghrébins – du moins ceux qui tentent de résister – ne font pratiquement jamais le lien entre l’islamophobie croissante et ses véritables manipulateurs. Non qu’ils l’ignorent. Mais le tabou est tel qu’ils n’osent pas franchir le pas de peur d’affronter ouvertement le Lobby et d’être taxés d’antisémites. Consciemment ou non, ces Maghrébins ont intériorisé les lignes rouges imposées par le Lobby dans toute expression publique. L’antisémitisme a bon dos. De toute façon, c’est le Lobby qui fixe le niveau du délit suprême. Toutes vos protestations ne serviront à rien si le Lobby a décidé que tel a fait preuve d’antisémitisme et qu’il en paiera les conséquences, car il peut donner ses directives en ce sens aux médias et aux divers agents de l’État. Cette épée de Damoclès est d’une terrifiante dissuasion.

Un exemple personnel. En 2016 j’avais réservé une salle dans une mairie progressiste de la banlieue parisienne. Le responsable était un bon militant d’origine maghrébine. 24 heures après l’annonce de la conférence (mes activités étaient surveillées par qui vous devinez) le responsable m’a annoncé l’annulation de la réservation. Mon nom était sulfureux. Le responsable savait qu’en tenant tête au représentant du Lobby qui avait téléphoné, il pouvait dire adieu à sa carrière politique. Des ministres et des entrepreneurs (Gallimard par exemple) n’ont pas résisté à une campagne de harcèlement du Lobby.

Pratiquement d’ailleurs, tous les sites maghrébins en France m’évitent comme la peste, craignant la colère du Lobby. Même des sites palestiniens. Comme j’ai collaboré un temps avec Dieudonné et Soral, épinglés par le Lobby comme « ennemis de la République », je reste persona non grata, même après le conflit qui m’en avait séparé. C’est le principe de précaution poussé à outrance.

Avec de pareils opposants, le Lobby peut poursuivre et accentuer sa stratégie islamophobe. Il semble qu’une majorité de Maghrébins, surtout parmi les diplômés, ne se soient pas totalement débarrassés d’un certain complexe du colonisé. Celui décrit par Albert Memmi, que j’ai constaté sur moi-même et d’autres compatriotes marocains. C’est le fait en France de ne pas avoir cette totale assurance d’un citoyen à part entière qui peut revendiquer tous ses droits, en s’affirmant à l’égal des autres. Cela se traduit par cette propension, même infime, à ne pas faire de vagues, à éviter de trop festoyer pendant le ramadan, à préférer ne pas porter des symboles religieux comme le voile ou une djellaba de fête (que diraient les voisins dans cet immeuble bourgeois où l’on a eu du mal à s’y glisser ?) Ils croient à tort pouvoir échapper à la vindicte générale, laissant leur communauté sans grande défense. Où se terrent leurs avocats, leurs universitaires, leurs médecins, leurs enseignants, leurs ingénieurs ? Ils ont intériorisé, même inconsciemment, le commandement implicite du Lobby de se tenir a carreau et de ne pas trop la ramener lorsqu’un magazine publie des caricatures insultantes, et même d’accepter que Dieudonné devienne un paria parce qu’il avait osé se moquer d’une communauté particulière mais qui « a tant souffert ».

Ces Maghrébins ne font rien ou pas grand-chose même lorsque l’Administration, qui flaire où se trouve le vrai pouvoir pour s’y soumettre, commet des actes manifestement illégaux pour humilier les musulmans et les remettre à leur vraie place. Après l’interdiction du port du voile par les collégiennes et les lycéennes, certaines d’entre elles avaient mis une jupe longue. Ce que absolument rien n’interdit. Mais elles ont été convoquées par la direction et menacées d’exclusion pour le port d’un vêtement qui « aurait un signifiant religieux manifeste ».

À l’époque, je militais pas mal pour cette cause, et j’avais lancé, par des vidéos et dans des conférences, l’idée d’une « journée de la jupe longue ». Constituer des groupes dans toute la France, et à la date indiquée, envoyer des dizaines de milliers de collégiennes et de lycéennes en jupe longue. Qu’aurait fait la direction devant cette mobilisation ? Et quel message envoyer au Pouvoir et au Lobby : « Nous entrons dans la résistance. Nous n’admettrons plus aucune humiliation. Nous nous défendrons par tous les moyens. »

Hélas ! Hélas ! Cette idée n’a jamais été reprise ni exploitée. C’est resté à l’état de chimère.

Je voudrais conclure avec le propos du maître de la dialectique. Hegel disait à peu près : Le maître a besoin de l’esclave pour exister. Sans l’esclave il n’y a plus de maître.

jeudi 20 août 2020

LE SIONISME EST-IL INVINCIBLE?

 

LA  DÉROUTE  ARABE

Les anciens se rappelleront l’époque glorieuse, celle où tous les espoirs étaient permis : On récupérait l’indépendance politique, et avec elle la liberté, la dignité, l’honneur, l’espérance, la confiance.  J’étais trop jeune et peu au fait de la politique, mais je me souviens de ces mouvements de masse qui donnaient le vertige, voire une crainte indicible. Mon père, commerçant à Meknès, peu instruit, politiquement analphabète, avait mis son petit monde dans une camionnette de livraison, il ne savait pas conduire, et en route pour Rabat, pour célébrer le retour d’exil du roi Mohamed V. J’avais 12 ans.

Je n’ai pas eu le temps de commencer à comprendre que j’ai été embrigadé dans l’un des 4 mouvements de jeunesse sionistes mis en place par le Mossad et l’Agence juive pour encadrer la jeunesse et la faire partir en Israël. C’est une autre histoire que j’ai racontée par bribes. Les souvenirs de cette période que j’ai du nationalisme arabe me sont revenus rétrospectivement, comme si l’esprit les avait conservés et préservés de la pollution idéologique qui m’entourait. Et lorsque ma conscience politique commença à s’ouvrir, je me suis souvenu de la ferveur populaire autour de la Radio du Caire lorsqu’elle passait Oum Khalthoum et de la détresse de mes condisciples à la Faculté de Droit de Casablanca en juin 67.

C’était l’époque héroïque où les leaders progressistes arabes (les réacs jubilaient de leur défaite) mettaient la Palestine en avant, ayant compris (il suffit de regarder la carte du Proche-Orient) que l’État sioniste était comme un poignard enfoncé dans leur chair, une blessure qui les tuait à petit feu. Et que toutes leurs ambitions étaient vouées à l’échec s’ils ne s’en débarrassaient pas, ou s’ils n’arrivaient pas pour le moins à une solution politique juste et raisonnable : Régler dignement la question de la Palestine et de ses réfugiés de 48. C’était comme une espèce de dogme indépassable. Et cela aurait été possible, sous l’égide de De Gaulle par exemple, si on ne s’était pas trompé sur la nature du sionisme, et qui va éclairer la suite.

La propagande israélienne à l’époque reposait sur 2 axiomes, supposés montrer leur « volonté de paix », mais au fond contradictoires. Le premier, répété ad nauseam par tous les responsables sionistes : « Nous sommes prêts à rencontrer n’importe quel dirigeant arabe, n’importe où et sans condition ». Je reconnais que dans les années 50 et 60 cela faisait son effet, surtout face au refus « rigide » de l’autre camp. Sauf que, l’État juif a refusé, et refuse, 2e axiome, avec une obstination remarquable toute conférence internationale pour régler le conflit, conférence où pourtant il n’aurait eu que des amis ou au pire des neutres. C’est la preuve éclatante qu’une paix véritable est la hantise de l’establishment militaro-sécuritaire sioniste.

Une observation en passant : Pourquoi la diplomatie arabe n’a pas mis tout son poids dans l’organisation de cette conférence, laissant face à face l’ogre sioniste et la brebis palestinienne ?

La Palestine constituait tellement ce dogme que lorsque Sadate avait signé la paix avec Israël en 1979 sans avoir réglé le conflit palestinien, l’Egypte, tout de même, a été exclue de la Ligue Arabe et le siège de la L.A. transféré à Tunis. Ce qui ne risque pas d’arriver aux ÉAU, ni à Bahreïn, ni à Oman, ni au Soudan, ni à l’Arabie Saoudite, ni à d’autres pays qui n’attendent que la bonne feuille de vigne qui couvrirait leur indignité.

Le vent a tourné. Le travail de sape des sionistes a payé. Leur politique du fait accompli aussi. Israël a bravé tous les Cassandres qui lui promettaient les pires catastrophes. C’est une bonne leçon à méditer pour ceux qui veulent appréhender les relations internationales dans leur dure réalité.

Ayant été un militant de l’intérieur, dont le bagage idéologique s’est constitué progressivement avec les années, je m’étais imbibé de certains traits propres à l’idéologie sioniste, renforcés par mes nombreuses visites familiales en Israël et par cette imprégnation du quotidien qui échappent à l’observateur étranger. Ce qui m’amène à penser que ceux qui combattent le sionisme n’en ont pas cette connaissance intime et ne prennent pas les voies efficaces pour le combattre.

J’ai un compte à régler avec le sionisme. Et je parle au nom des centaines de milliers de juifs extirpés du Maroc et d’autres pays arabes pour servir un projet de conquête qui ne les concernait pas. Et lorsque ces juifs ne répondaient aux sirènes de cette idéologie, ils se sont installés ailleurs, car l’objectif du sionisme, insidieux mais implacable, fut de rendre toute coexistence judéo-arabe impossible. C’est une immense tragédie humaine, religieuse, spirituelle, intellectuelle, civilisationnelle, que l’effacement de ces communautés millénaires, avec leurs coutumes et leurs savoirs. Voilà un des crimes du sionisme. Un crime qui passe quasiment inaperçu, oublié dans les limbes de l’Histoire. Un crime que les pays arabes omettent de comptabiliser dans le bilan du conflit.

Ce fut ma première confrontation concrète avec le sionisme, ce qui m’a fait basculer dans le rejet et le dégoût, avant même d’étayer avec les arguments historiques et politiques, lorsque j’ai vu ces juifs marocains, dévastés et dans un état de sidération, ne comprenant pas ce qui leur arrivait et n’ayant même pas les mots pour l’exprimer. Comment était-ce possible d’arriver dans un pays « juif » et d’être traités comme des parias, des êtres inférieurs, humiliés, moqués, ballottés, écrasés, manipulés, maltraités, chargés par les flics ?

Ecrivant cela, il me vient la remarque suivante : Regardez les expressions des paysans et citadins palestiniens, vieillards femmes et enfants,  chassés comme des bêtes de leurs foyers en 1948, lorsqu’ils n’étaient pas tout simplement massacrés en masse, leur état de sidération : Etait-ce humainement possible ? Etaient-ils face à une race à part, inconnue du registre humain ?

Si on traite le sionisme comme un mouvement colonial classique, on n’a pas tout compris, on reste en-deçà de la vérité, et on est impuissant à le combattre. Le sionisme ne peut pas transiger, négocier, faire des compromis, chercher une solution pacifique.  Il est par nature, par essence, agressif, dominateur, manipulateur, conquérant. Il doit vivre sur le pied de guerre et sauvegarder sa pureté ethnique. Sinon il se diluera dans un pacifisme débilitant et un brassage avec les citoyens arabes : une hérésie et une calamité.

Le sionisme est destructeur. Il jouit de la destruction des biens d’autrui. Il avait rasé 450 villages palestiniens avec leurs fermes, leurs boutiques, leurs mosquées, leurs cimetières. Un des slogans favoris du complexe militaro-sécuritaire sioniste  dans les années 60 était : « Nous ramènerons la Syrie (ou l’Egypte) à l’âge de pierre ». Ehud Barak qualifiait Israël de « villa dans une jungle ». En signant la « paix » avec l’Egypte, le régime sioniste devait rendre le Sinaï. Mais ils avaient déjà construit une ville de 10 000 habitants dans le Sinaï, Yamit. Et pour ne pas la donner comme ça, ils l’ont dynamitée maison par maison.

Il y a une dimension incontournable concernant les tenants de l’idéologie sioniste : Ils détestent les « goyim » et ils ont un mépris incommensurable pour les Arabes. Allez consulter les dires de Ovadia Yossef, une des plus grandes autorités spirituelles de l’État juif ! Ile ne peuvent imaginer qu’une paix de dominant à dominé. Ils ont établi cette règle : Entre le Jourdain et la Méditerranée il ne peut y avoir qu’un seul nationalisme. Malheur au vaincu !

Comment Arafat a-t-il pu se laisser manipuler, et une fois conscient de la manipulation, pourquoi a-t-il continué à jouer leur jeu, leur offrant la crédibilité dont ils avaient tant besoin ? Pourquoi ses successeurs, avec la bénédiction des régimes arabes, continuent-ils à courir après ce mirage d’un « État de Palestine » qui ne serait au mieux qu’un Bantoustan ?

Il faut se poser lucidement la question : Comment en est-on arrivé là ? Les roitelets du Golfe n’ont pas été pris d’une frénésie soudaine de la trahison. Le rapport de force a changé, et ce depuis quelques années déjà, et aujourd’hui on en voit le résultat.

C’est sur ces terrains qu’il faut affronter le sionisme avec des chances de réussite. Et on peut faire confiance aux tenants de cette idéologie : ils ne s’arrêteront jamais dans leur désir de conquête et de domination. Mais il faudrait les attaquer là où ça fait mal, et créer les conditions d’unité et de synergie. Le monde arabe, enfin celui qui veut résister, peut et doit trouver des appuis partout et surtout en Occident, il serait même surpris de constater à quel point le régime sioniste suscite un rejet viscéral et un écœurement grandissant. Ce serait dommage de passer à côté de ce potentiel. Enfin, j’encourage les frères arabes à nouer des contacts avec les citoyens arabes d’Israël, qui leur expliqueront mieux que personne la nature du sionisme et les manières de la combattre.

Il y a des calamités propices à une remise en cause et à un réajustement des moyens de résistance. L’implantation du sionisme dans les pays du Golfe en est certainement une.

Jacob Cohen

20 août 2020